À l’automne, quand les nuits s’allongent et que la lune éclaire les haies, une créature discrète émerge : la laineuse du prunellier. Papillon protégé éphémère, sa présence raconte l’histoire d’un paysage.
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Papillon nocturne à la vie brève mais fascinante, la laineuse du prunellier (Eriogaster catax) dépend entièrement des milieux bocagers, là où fourrés de prunelliers et d’aubépines ponctuent les pelouses. Chenille spectaculaire et espèce en danger, elle bénéficie paradoxalement de l’abandon de certaines pratiques agropastorales. Et si elle était un indicateur silencieux des mutations du paysage rural ?
Une vie tissée au fil des saisons
La laineuse du prunellier appartient à la famille des Lasiocampidae, celle des papillons nocturnes. C’est au stade de chenille que l’espèce se distingue : longue, noire, poilue et traversée de bandes orangées, elle forme des colonies visibles dès le début du printemps, de mars à mai, sur les rameaux de prunelliers (Prunus spinosa) ou d’aubépines (Crataegus monogyna).
Son cycle commence à l’automne : après l’accouplement, la femelle du papillon pond sur les rameaux des prunelliers des grappes d’œufs qui hivernent jusqu’au printemps suivant. Les jeunes chenilles éclosent ensemble et tissent de vastes nids de soie pour se protéger. Elles se nourrissent activement, muant plusieurs fois avant de s’enterrer pour la nymphose, en été. Les adultes émergent à l’automne suivant pour un vol nuptial au crépuscule. Bien que discrets, ces papillons portent sur leurs ailes de petits ocelles qui ressemblent à des yeux dans la pénombre, comme pour observer silencieusement le monde nocturne qui les entoure. Leur vie est brève : ils ne se nourrissent pas et ne vivent que quelques jours, juste le temps de se reproduire.
Un équilibre subtil entre ouverture et fermeture des milieux
Espèce protégée à l’échelle nationale et inscrite à l’Annexe II de la Directive Habitats de l’Union européenne, Eriogaster catax est en déclin dans de nombreuses régions d’Europe, où l’intensification agricole ou la reforestation massive ont fait disparaître les milieux semi-ouverts.
Dans le Parc naturel régional Livradois-Forez, elle trouve encore des refuges inattendus, profitant de l’embroussaillement progressif des pelouses autrefois pâturées. Là où les prairies se couvrent de buissons, les chenilles trouvent nourriture, ombre et humidité. Ces fourrés constituent aujourd’hui des réservoirs de biodiversité, souvent méconnus, mais essentiels.
Le Puy Saint-Romain en est un bon exemple : cette colline autrefois utilisée pour le pâturage extensif offre aujourd’hui un habitat mosaïque, mêlant pelouses, haies et buissons, particulièrement favorable à l’espèce.
Une espèce indicatrice des paysages bocagers
Espèce patrimoniale, la laineuse du prunellier révèle la richesse des milieux intermédiaires, ni totalement ouverts, ni complètement fermés et plutôt secs. Elle illustre à quel point certaines espèces ont besoin d’un équilibre subtil dans la gestion des paysages. Préserver cette espèce, c’est aussi préserver les haies, friches, bordures de chemin et lisières bocagères, souvent en marge, mais concentrant une biodiversité remarquable. C’est également soutenir une gestion différenciée des anciens pâturages : ni abandon total, ni conversion, mais accompagnement de leur évolution. Éphémère et discrète, cette créature des nuits d’automne illustre l’importance des haies et lisières bocagères pour la biodiversité nocturne.
