Le 21 mars dernier, l’association Solidarité Paysans Auvergne Rhône-Alpes organisait à Clermont-Ferrand un colloque sur : « Les difficultés en agriculture : mieux les comprendre pour mieux les traiter ». L’occasion de caractériser les exploitations en difficulté et d’identifier des leviers d’actions mobilisables.
Nous avons souhaité vous faire partager une intervention qui a particulièrement retenu notre attention. Nathalie Velay, chargée de mission au CER France Alliance Massif Central, a présenté un portrait des exploitations en situation de fragilité, sur la base des comptabilités 2015-2016 de 6 400 exploitations adhérentes au CER France, cabinet comptable, en Auvergne.
Il ne s’agit donc pas d’un zoom sur le territoire, ni d’une étude exhaustive de la situation des exploitations auvergnates, mais ce rendu a vocation à vous donner une vision des tendances régionales et des clefs de compréhension des principales difficultés.

Agriculteurs, bénévoles de l’association et partenaires du milieu agricole, bancaire, juridique et social, ils sont 150 à avoir répondus à l’appel de l’association Solidarité Paysans.
L’étude repose sur deux approches :
- l’approche économiques’appuie sur des indicateurs associés à la gestion quotidienne de l’exploitation : la capacité de l’exploitation à produire des richesses, à dégager du revenu…
- l’approche financière s’attache davantage à la stratégie de gestion mise en place par l’exploitant sur le long terme : investissements et taux d’endettement, trésorerie disponible pour faire face aux aléas…
Sur l’ensemble du panel, on constate que près de la moitié des exploitations (45%) ont une situation économique et financière saine. 23% ont une situation financière saine mais une situation économique difficile : ce sont des exploitations qui ont eu une mauvaise année (problèmes de rendements, de prix, …) mais qui ont une assise financière leur permettant de faire face pendant un temps. Enfin, 24% ont une situation économique et financière difficile ; cela représente 1 500 exploitations
Alors qui sont ces 1 500 exploitations ?
Elles ont en moyenne un taux d’endettement de 90% et une trésorerie à – 35 000 €. Leurs capitaux propres sont très faibles : l’exploitation appartient quasi en totalité aux banques ; 16% d’entre elles ont plus de 400 000€ d’endettement.
Cependant, on ne parvient pas à dégager de facteurs communs entre ces exploitations :
-toutes les filières sont touchées de la même façon : contrairement à la pensée véhiculée, les céréaliers, comme les éleveurs, connaissent de grosses difficultés, surtout dans l’Allier,
- autant d’exploitations individuelles que de sociétés,
- autant de Jeunes Agriculteurs que dans les exploitations saines,
- réparties de manière égale sur les 4 départements auvergnats.
Si elles ne sont pas directement liées à la filière ou au contexte local, d’où viennent alors leurs difficultés ?
- pour 17% des exploitations en difficulté, il s’agit d’un problème de productivité: les charges sont importantes et le chiffre d’affaires insuffisant. Solutions : augmenter la valeur ajoutée des produits, trouver une activité à l’extérieure pour complémenter le revenu, …
- pour 38% des exploitations en difficulté, il s’agit d’un problème de technicité: le chiffre d’affaire correspond à la moyenne auvergnate, mais la moitié est donnée aux fournisseurs. On dépense trop en charges pour produire la même chose. Solutions : revoir sa conduite pour diminuer ses frais d’aliments, de vétérinaires, de fioul, …
- pour 26% des exploitations en difficulté, il s’agit d’un problème de dimensionnement de la structure. Surface trop importante et bâtiments trop grands qui mènent à une surmécanisation et ne permettent pas à l’exploitant de tirer un revenu. Solutions: restructurer le foncier, mutualiser le matériel, …
- pour 17% des exploitations en difficulté, il s’agit d’un problème d’endettement. L’exploitant a une structure productive, une bonne maîtrise de son outil, mais les investissements massifs au départ pour acquérir et moderniser l’exploitation pèsent aujourd’hui de sur son revenu. La richesse dégagée part directement aux banques. Solutions: restructuration de la dette, gestion des fournisseurs, plan d’investissement, …
Il y a donc très peu de situations inéluctables. Et c’est là une conclusion positive, qui laisse entendre que les agriculteurs et leurs conseillers ont les cartes en mains pour redresser toutes les situations. Encore faut-il pour l’exploitant accepter ces difficultés, pour le conseiller apporter la réponse adaptée, et traiter le problème à temps. Dans le prochain article, nous poursuivrons cette étude avec une approche des difficultés par filières…
Pour aller plus loin : retrouvez le diaporama complet de la présentation ici