Les difficultés en agriculture : mieux les comprendre pour mieux les traiter (2)

Dans l’article précédent, nous vous parlions du colloque organisé par l’association Solidarité Paysans Auvergne Rhône-Alpes à Clermont-Ferrand en mars dernier, sur : « Les difficultés en agriculture : mieux les comprendre pour mieux les traiter ».

Nous vous avons fait partager l’intervention du CER France Alliance Massif Central, qui présentait un portrait des exploitations en situation de fragilité en Auvergne [1].

Dans ce nouvel article, nous continuons à dérouler le contenu de cette étude. Après avoir évoqué les difficultés liées au fonctionnement de l’exploitation, l’étude s’intéresse au contexte dans lequel évolue ces exploitations et propose une analyse par filières. Voici de nouveaux éléments permettant de caractériser les exploitations en difficulté et d’identifier des leviers d’actions mobilisables.

L’analyse des difficultés par filières, permet d’identifier des contextes très différent et donc des causes de difficultés variées. Ainsi, on constate :

  • en bovins lait, l’enjeu est de faire face à la volatilité des prix. Entre 2007 et 2016, les prix n’ont cessé de fluctuer, à la hausse comme à la baisse, allant de 292€/1 000L à 399€/1 000L, soit 100€ d’amplitude. Pour les producteurs laitiers, il faut donc maîtriser au mieux ses charges et connaître son prix d’équilibre – le prix à partir duquel la vente du lait couvre les coûts de production. Selon le CER, ce coût doit être inférieur à 330€/1 000L afin d’avoir la capacité d’épargner lorsque les cours sont à la hausse et de réinjecter cet argent lorsque les cours baissent. Or toutes les entreprises ne parviennent pas à ce seuil de performance, et nombreuses sont celles qui par conséquent font face à des problèmes de trésorerie. Il est néanmoins intéressant de noter que, cet écart de performance n’est pas dû en premier lieu aux variations de prix. En effet si on compare les exploitations les plus performantes à celles en difficultés, l’écart de performance est dû à : 1. Le coût alimentaire, 2. Les charges de mécanisation, 3. Le produit viande (la valorisation en boucherie des vaches/veaux). Le prix du lait arrive seulement en quatrième position. Il y a donc là aussi des leviers techniques à mobiliser pour optimiser la richesse produite. Une autre information : il y a autant d’exploitations qui produisent de petits volumes que d’exploitations qui produisent de très gros volumes en difficultés. En ce sens-là aussi, la recherche de l’optimum semble être la clé.

  • en bovins viande, l’enjeu est de mieux maîtriser les charges. Contrairement à celui du lait, le marché de la viande a été relativement préservé, aves des prix qui sont restés plus stables au cours des 10 dernières années. Les difficultés sont ici davantage structurelles. En premier lieu pour ce qui est de l’accès au métier, puisqu’il en coûte de plus en plus cher pour acquérir une exploitation en bovins allaitants, 320 000€/actif en moyenne aujourd’hui. Ainsi, une exploitation sur deux a un taux d’endettement supérieur à 50%. On constate également que les performances d’une exploitation à l’autre sont très variables : pour 1 000€ de richesse produits, les meilleures exploitations dépensent 600€ en charges lorsque les plus en difficultés en dépensent 1 200€. Il y a donc là aussi plusieurs leviers techniques à mobiliser, notamment pour adapter le système (naisseur ? engraisseur ? les deux ?) à l’environnement et aux capacités de l’exploitation.
  • en grandes cultures, l’enjeu est de diversifier pour diminuer sa dépendance. Pour les céréaliers, indépendamment de la structure, il s’agit d’une importante crise conjoncturelle. Depuis 4 ans, les prix et les rendements sont instables. Si la majorité disposait d’une assise financière lui permettant de faire face lors des années difficiles, les exploitations arrivent aujourd’hui au bout de leurs réserves ; à tel point que la récolte 2017 sera déterminante pour nombre d’entre elles. En 2012, 60% des céréaliers avaient une situation économique et financière saine ; en 2015 ils ne sont plus que 25%. On note que la situation est moins alarmante chez les céréaliers avec cultures industrielles. Il s’agit donc pour ces exploitations de diversifier leurs productions afin de ne pas « mettre tous leurs œufs dans le même panier » : varier les assolements, réfléchir à une stratégie de commercialisation en misant sur des productions à la mode (le bio, le tabac, les protéines végétales, …), étudier la pertinence de souscrire à une assurance récolte, et faire évoluer sa politique d’investissement avec des plans pluriannuels pour étaler la dette sur plusieurs campagnes de récoltes.

Loin des questions de prix et des négociations internationales, il existe donc des leviers localement pour redresser ces exploitations. Un redressement qui, pour le CER, se fera par petits pas, en identifiant les leviers à mobiliser et les freins à la performance, en trouvant les solutions d’urgence qui s’imposent, puis en définissant une stratégie sur le long terme. Le véritable levier reste la prise de conscience et la volonté de changement. Il y a selon le CER très peu de situations inéluctables, mais une prise de conscience est nécessaire. Il s’agit de construire une stratégie propre à l’exploitation, de s’y tenir, d’être pour cela bien accompagné, de s’y tenir, et d’être patient car le cheminement prend du temps.

Pour aller plus loin : retrouvez le diaporama complet de la présentation ci-dessous

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[1] Pour rappel : l’étude, basée sur les comptabilités 2015-2016 de 6 400 exploitations auvergnates adhérentes au cabinet comptable, ne prétend pas donner une analyse exhaustive de la situation des exploitations du territoire, mais elle a vocation à vous donner une vision des tendances régionales et des clefs de compréhension des principales difficultés.

Une réflexion sur « Les difficultés en agriculture : mieux les comprendre pour mieux les traiter (2) »

  1. Bonjour,
    je pense que toutes les difficultés auxquelles nos éleveurs et producteurs sont confrontés pourrait être le début d’une prise de conscience.
    Il faut changer nos modes de production et surtout de consommation, en revenant vers une consommation locale, avec des produits de saison…
    C’est la base d’une économie saine et durable.
    Cordialement

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